MAZZY STAR

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2 août 2013. 15h. 35°C. « … » Gros silence. Gros, gros silence entre la Norvège, l’Irlande et Saint Ouen d’où je tente d’interviewer depuis ma chambre, par Skype, Hope Sandoval et David Roback, duo mutique des mythiques Mazzy Star pour leur retour discographique le 24 septembre avec Seasons of Your Day après 17 ans de silence. J’ai l’impression d’être Philippe Petit à New York en 1974 : de marcher sans sécurité sur un câble tendu à plus de 400 mètres d’altitude entre deux tours. Je n’en mène pas large. Gros moment de solitude.

De tels moments seront légion durant cette petite heure d’interview Skype. Des passages bien fil-de-fériste qui me feront craindre le pire (« Allô, vous avez entendu ma question ? vous m’entendez ? ») comme quand le chanteur de Sigur Ros avait fini par faire le mort et à me forcer à raccrocher comme un con au bout de 5 minutes car il trouvait mes questions trop rudes à son goût. Mais là, affrontant des silences et des coups de chaud culminant à parfois plus de 20 secondes, j’arriverai à garder Mazzy Star – que je pardonne – avec moi.

Je les pardonne car ils n’ont pas vocation à être de bons clients de l’interview, ce n’est pas leur rôle, ils sont avant tout là pour être de bons musiciens, ce qu’ils sont. Ce Seasons of Your Day n’a pas à pâlir face à She Hangs Brightly (90), So Tonight That I Might See (93) et Among My Swan (96). Non, je n’ai pas à me plaindre pour mon éventuelle frustration, c’est le jeu. « Si vous savez ouvrir une huitre vous trouverez la perle, sinon vous tomberez sur une moule. » disait Gainsbourg à propos de France Gall (dans Rock & Folk, 1968).

Et Sandoval et Roback ne sont pas seulement des musiciens initiés aux vertus du mystère, qui « n’est pas une des possibilités du réel » mais « ce qui est nécessaire pour qu’il y ait du réel » (René Magritte), ce sont surtout deux ex dont Mazzy Star, tel un herbier extime, musicalise l’histoire sans fin. S’ils s’ouvrent peu c’est moins contre le journaliste que pour respecter ce qui se doit de rester privé pour continuer à être. Ils n’activeront pas la vidéo de leurs Skype. Ils me verront, moi pas. Silence, écran noir : chaud, chaud time.

Par moments, accusant plus de 35 °C de température ressentie, ce n’est même plus perché sur un fil à 300 mètres du sol que je me sentirai mais à 600 kilomètres de la Terre, lost in space, comme le personnage de Sandra Bullock dans Gravity. Abandonnés tous trois aux mains d’une technologie faillible, on errera alors des secondes dans ce non-lieu satellisé entre Saint Ouen, Oslo et Dublin et rien, rien que le silence éternel de ces espaces infinis. Et l’idée, chère à Paul Virilio, de la face cachée du progrès. « Houston, do you copy ? »

Mais comme le chante Daho, au bout de trois quarts d’heure, à force de tenir, louvoyer, si on n’aura pas « coincé la bulle dans la bulle », on aura fini par « échanger d’égal à égal », elle riant de ma liberté de ton, lui me demandant quelle musique récemment entendue sur Paris je leur conseillerai d’écouter (Basile Di Manski, Alice Guerlot-Kourouklis bien sûr). Mais peut-être que ces tardives marques de sympathie n’étaient que des moyens détournés pour hâter le fin mot d’une interview qu’il commençait à trouver… un peu longue !

 « Hope et moi, c’est toujours une histoire de cœur »

 

2. hope et roback violet

Bonjour Hope, bonjour David !

D : Bonjour !

H : Bonjour.

Hope, vous êtes donc en Irlande, et David en Norvège, c’est ça ?

D : Oui, et toi tu es à Paris ?

C’est ça. David, que faites-vous en Norvège, est-ce là que vous vivez dorénavant et non plus en Californie ?

D : Oui (il s’est installé à Oslo, sa capitale, en 2001, période vers laquelle Hope s’est de son côté installée en Irlande avec Colm Ó Cíosóig, batteur du célèbre groupe de rock dublinois My Bloody Valentine – nda – nda). Je vis aussi à Londres, mais je vais de temps en temps en Norvège pour travailler loin du tumulte de Londres.

C’est plus facile pour composer ?

D : Parfois.

Et pourquoi donc la Norvège ? Vous y avez des connexions particulières ?

D : Non, c’est juste un chouette endroit.

En novembre dernier, j’ai rencontré à Paris Sivert Hoyem, l’ex-leader du groupe de rock norvégien Madrugada. Il m’a dit que vous vous connaissiez…

D : Oui, oui, je le connais. C’est un chouette gars, oui. Je l’ai vu jouer à Londres l’année dernière, c’était super.

Vous êtes amis ?

D : Totalement, oui.

Vous sortez donc Seasons of Your Day, quatrième album de Mazzy Star après 17 ans de silence discographique. Quand avez-vous eu envie de refaire de la musique ensemble ?

D : On n’a jamais cessé de jouer ensemble, toutes ces années on a continué à faire de la musique ensemble, on a juste cessé de sortir des disques.

Pourquoi ne sortiez-vous donc plus de disques si vous continuiez à faire de la musique ensemble ?

D : On faisait des disques pour nous-mêmes.

Et pour vous il y a un monde entre faire de la musique ensemble et sortir un disque ?

D : Non, pas tellement, parce qu’on enregistre notre musique live.

Pourquoi avoir donc choisi d’enregistrer et de sortir ces chansons maintenant et pas avant ?

H : Il n’y a pas de raison.

D : Il n’y a pas de raison à quoi que ce soit.

Mais après tout ce temps qu’est-ce que ça vous fait d’être de nouveau « écoutable » et de rompre par là potentiellement l’aura de groupe culte, comme gravé dans le marbre, que vous ont valu vos trois précédents disques ? Comme Sivert Hoyem me le disait, ceux-ci l’ont beaucoup influencé aux débuts de Madrugada. Et beaucoup de groupes pourraient en dire autant. Sentiez-vous donc une certaine forme de défi à proposer un nouveau disque ?

D : Non, on ne voit pas les choses ainsi. On pense juste à notre musique, c’est tout. Et on est content que d’autres gens l’aiment pour ce qu’elle est. C’est ce qu’on a toujours fait et on continuera comme ça.

Pour vous, il n’y avait donc pas de challenge à réapparaître ainsi ?

D : On n’est jamais parti, on était juste dans l’ombre. C’est là qu’on vit et qu’on se sent bien.

Ok. Hope, on sait que ces dernières années vous avez sorti deux EP’s (At The Doorway Again, 2000, Suzanne, 2002) et deux albums (Bavarian Fruit Bread, 2001 et Through The Devil Softly, 2009) en tant que Hope Sandoval & The Warm Inventions (duo musical post-Mazzy Star qu’elle a formé avec Colm Ó Cíosóig, et qui comprend des membres du groupe irlandais Dirt Blue Gene), mais vous, David, qu’avez-vous fait ?

D : Oh, j’ai fait beaucoup de musique, j’ai écrit des chansons avec différentes personnes. J’en ai même écrites avec Etienne Daho.

Ah oui ? Comment l’avez-vous rencontré ?

D : Je l’ai rencontré par le biais d’un ami, le cinéaste Olivier Assayas (en 2004, David a écrit et produit les chansons que chante l’actrice Maggie Cheung dans le film Clean, où il joue aussi son propre rôle – nda).

Avez-vous coécrit des choses qui figureront sur son nouvel album, Les Chansons de l’innocence retrouvée ?

D : Non, on a encore rien sorti de ce qu’on a enregistré.

Qu’avez-vous pensé des deux albums que Hope a sorti avec The Warm Inventions ? Est-ce quelque chose qui a pu vous redonner envie de sortir un album de Mazzy Star ?

D : J’ai trouvé que The Warm Inventions était un groupe fantastique. Mais je suis toujours inspiré quand je travaille avec Hope.

Au fil des années, qu’est-ce qui a changé dans votre collaboration musicale ?

D : Je crois que c’est toujours une « histoire de cœur » (il le dit en français – nda). Et que ça le sera toujours (Hope fait entendre des petits rires sucrés – nda).

Entre vous c’est donc toujours la même alchimie ?

D : Il y a des alchimies qui ne meurent jamais.

David

Quand avez-vous commencé à travailler sur ce disque ? Pouvez-vous le dater ?

H : Je ne sais pas, il n’y a pas eu de vrai début. Non…

Que vouliez-vous faire par rapport à vos précédents disques ? Aviez-vous une idée précise ?

D : Je pense qu’on voulait juste être ensemble et faire la musique qu’on a toujours fait, une musique qui nous est très personnelle.

Vous avez donc écrit l’album en présence l’un de l’autre ? Ce n’est pas le fruit d’un travail à distance…

D : Non, on aime écrire ensemble et écrire en s’imprégnant de chambres et de maisons qui ont une certaine atmosphère.

Hope, vous avez donc parfois rejoint David en Norvège pour faire ce disque ?

H : Oui, parfois on se retrouvait en Norvège, parfois en Californie, et parfois à Londres.

L’album comporte 10 chansons dont « Common Burn » et « Lay Myself Down » que vous aviez sorti en double single en 2011. Est-ce que ça vous a pris du temps d’aboutir à ces dix chansons ? Est-ce que c’était dur ou ça vous est toujours aussi naturel ?

D : Chaque album est différent et chaque chanson a son propre fil, sur lequel il faut travailler, tirer, ça peut prendre un peu de temps oui, mais Hope et moi avons toujours écrit des chansons ensemble, c’est ce qu’on aime faire. On écrit beaucoup à chaque fois qu’on se voit, ça n’a pas changé.

Vous aviez donc plus de 10 chansons en stock ? Vous avez dû trancher ?

D : Oui, on a écrit et enregistré plein de chansons qu’on n’a pas sorties là.

Vous dites que chaque album est différent mais quand on écoute Seasons of Your Day, ce qui frappe c’est de constater combien votre musique n’a pas changé depuis vos débuts. Plus de 20 ans ont passé, et globalement, album après album, c’est toujours la même toile…

H : Pourquoi changer si la magie opère encore ?

C’est une façon de voir les choses, oui…

H : Je veux dire, je ne suis pas intéressée par l’idée de changement. Il y a des gens qui continuent d’être inspirés par des groupes qui écrivent toujours le même genre de morceaux. Je comprends ça.

Vous ne visez donc aucune révolution musicale ?

H : Non.

D : Pas d’évolution ou de révolution ?

Révolution.

D : Il y a toujours une révolution.

Laquelle ?

D : Ta liberté. Celle que tu mènes chaque jour pour défendre ta liberté.

Oui, je vois, mais ça c’est un aspect extra-musical. Or musicalement on retrouve ce son cher à Mazzy Star, ce mélange d’atmosphères vénéneuses, presque psychédéliques, et de motifs médiévaux, presque baroques, avec un certaine conception « sixties » de la pop et du folk. D’où viennent ces éléments de musique baroque comme on peut en entendre dans « Sparrow » et « California »  ? Écoutez-vous ce genre de musique ?

D : Est-ce qu’on écoute de la musique baroque  ? Non, mais c’est vrai qu’on aime aussi composer au piano et avec d’autres genres d’instruments. La musique baroque traditionnelle se distingue par sa complexité et quand je compose je pense toujours aux refrains, à la mélodie, à une certaine forme de simplicité.

Et votre musique semble en effet toujours couler de source. Et qu’en est-il de son psychédélisme. Diriez-vous que Mazzy Star est un groupe de musique psychédélique ?

D : Pour ça, il faudrait d’abord définir le terme psychédélique.

Que signifie-t-il pour vous ?

D : Personne n’en a jamais donné un sens précis. C’est un mot ancien qui englobe plein de choses. Mais musicalement, je pense que ça suggère une idée de voyage, l’idée d’entrer dans une sphère où on veut être, où on se sent bien.

Ce qui sous-entend souvent la prise de drogue. En prenez-vous ?

D : Nous croyons en la liberté.

Ok. Vous dites vouloir vivre dans l’ombre et chérir votre liberté. Mais comment être libre quand, comme vous, on sort peu de disques et qu’on ne s’adresse pas au plus grand nombre ? Vivez-vous de votre musique ou avez-vous un autre job ?

D : Je suis un musicien, c’est tout ce que je fais. Nous ne sommes que des musiciens.

Mais il faut bien gagner sa croûte, payer le loyer… Ce n’est pas facile quand on se contente de faire la musique qu’on aime…

Je pense que quelqu’un qui ferait de la musique pour l’argent ferait une musique toute autre que celle de Mazzy Star.

On est d’accord… Vous n’avez donc jamais été obligés de faire de la musique pour l’argent ?

H : Non.

Diriez-vous qu’un de vos disques, plus qu’un autre, concrétise quelque chose de précis que vous n’aviez pas réussi à atteindre avant et que vous n’avez pas réussi à retrouver après ?

H : Je suis fier de tous nos disques.

Plus largement, pensez-vous avoir réussi à créer quelque chose de spécial avec Mazzy Star, quelque chose qui durera ?

D : Tout le monde a une histoire à raconter, certaines peuvent paraître plus importantes que d’autres, mais en vérité il n’y a pas de grandes ou de petites histoires. Quand tu marches dans la rue, tous ces gens ont une histoire à raconter. Tout le monde est intéressant. Même la personne qui te semble totalement vaine, insignifiante. Certaines histoires sont dramatiques, certaines sont belles, il y a une large palette de gens en ce bas monde.

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La pochette de Seasons of Your Day montre un chat qui se dresse comme en ombres chinoises dans un crépuscule violacé particulièrement luminescent. J’y ai vu là comme l’hybridation des pochettes de So Tonight That I Might See, pour la couleur, et d’Among My Swan, pour l’animal seul en for intérieur. Etait-ce l’idée ? Votre idée ?

D : Sais-tu combien de chats noirs comme ça il y a à Paris ?

Non.

D : Il doit y en avoir beaucoup (Hope rit – nda).

Euh, oui, sans doute, comme dans toutes grandes villes je pense !

D : En tous cas, quand je suis à Paris je vois souvent de tels chats sur les toits. Là, où je suis, je regarde actuellement par la fenêtre et je vois un chat qui marche sur un mur.

H : J’aimerais en voir un moi aussi.

Pourquoi avoir fait de « California » le premier single de cet album ?

H : Parce qu’on l’aimait vraiment.

Est-ce une déclaration d’amour à votre région d’origine, la Californie ? Vous dites que, quelque soit le pays, vous composer en vous imprégnant de l’atmosphère des maisons et des chambres que vous investissez. Mais n’êtes-vous pas, avant toute chose, imprégnés par la Californie ?

H : Hé bien comme on a grandi tous les deux là-bas, oui, peut-être.

Vous avez sorti vos trois premiers album aux débuts des années 90. Vous sentez-vous comme un groupe des « nineties » ?

D : On est un groupe de Los Angeles. On ne sait pas ce que signifie les « nineties ». Mais je dois dire qu’à cette époque il y avait beaucoup de musique expérimentale intéressante dans notre entourage, des groupes de Los Angeles comme X, The Gun Club, Green on Red, des groupes fantastiques qui m’ont beaucoup inspiré.

David, à cette époque (dans les années 80), vous aviez déjà joué dans plusieurs groupes connus à L.A., dont Rain Parade et Opal, qui faisaient partie de la scène Paisley Underground (un sous-genre du rock alternatif). Ici, peu de gens ont connu ces groupes. Que retenez-vous de cette période ?

D : Kendra Smith (avec qui il forma Rainy Day en quittant Rain Parade en 1983, puis Opal où Hope finira par prendre la place de Kendra – nda). C’était une fantastique musicienne et une grande source d’inspiration. Travailler avec elle a été très important pour moi. A l’époque, on était tout le temps ensemble, on faisait de la musique, on partageait nos idées.

Continue-t-elle à faire de la musique ?

D : Elle chante en ce moment même, ne l’entends-tu pas (Hope rit – nda) ?

Et vous Hope, connaissiez-vous ces groupes (Rain Parade, Rainy Day et Opal) où David jouait ou avait joué ?

H : Oui, c’est par eux que j’ai rencontré David. J’étais une fan de Rain Parade et une fan de Dream Syndicate (le groupe formé par Kendra en 1981 – nda), donc quand Kendra et David ont commencé à travailler ensemble, pour moi et tous les fans de Rain Parade et de The Dream Syndicate, c’était un rêve qui se réalisait.

Comment votre rencontre s’est-elle faite?

H (petits rires) : Je ne sais plus, je crois que ça s’est fait à l’occasion d’un de leurs concerts. On a juste commencé à parler de musique, d’art et de mon propre projet de l’époque (le duo folk Going Home qu’elle formait depuis 1986 avec Sylvia Gomez – nda), et ça les intéressait d’écouter ce que je faisais. C’est comme ça qu’on est devenu… amis.

David, qu’est-ce qui vous a plu chez Hope ?

D : Hé bien Hope écrit de si belles chansons que lorsque je les ai entendues ça nous a involontairement rapproché et on est vite allé enregistrer ça ensemble en studio à L.A. (il a produit un album de Going Home qui n’est jamais sorti – nda).

En 1989, des cendres d’Opal et du départ de Kendra, naît donc Mazzy Star. Encore une fois, une femme chante tandis que vous êtes dans l’ombre, David. Chanter, ça n’a jamais été votre truc ?

D : Je chantais à l’époque de Rain Parade

Puis plus rien. Ce n’était pas un vrai plaisir ?

D : Disons que j’étais plus intrigué par le chant de Hope.

C’est-à-dire ?

D : Hope est suprenante, elle me séduit toujours avec ses idées, ses histoires.

Quand vous composez, vous pensez donc d’ores et déjà à sa voix ?

D : Oui, j’écris de la musique pour Hope. Je pense toujours à elle quand je compose.

Hope, je repense à votre dernier album, Through The Devil Softly. Ce titre, j’ai toujours trouvé que c’était une belle métaphore de votre façon de chanter…

H : Insinues-tu que j’ai le diable en moi quand je chante ?

Oui ! Que vous glissez au travers, doucement.

H : De toute façon le diable est un ange, donc je prends ça comme un compliment.

C’en est un.

H : Merci (petits rires) !

Dans le communiqué de presse de Seasons of Your Day, vous dites qu’il s’agit là de « musique pour les amoureux et les cœurs brisés ». Pourquoi ? Vous trouvez que la pop d’aujourd’hui ne parle plus assez d’amour et de cœurs brisés ?

D : Tu te demandes si des gens ont encore le cœur brisé en 2013 ?

Non, des cœurs brisés, il y en aura toujours. « La tristesse durera toujours » comme disait Van Gogh. Je me demande juste si vous trouvez que l’amour, au sens presque naïf où l’on peut l’entendre, premier degré, n’a pas quelque peu déserté la pop ? 

D : Tu sais, parfois la musique prend tant de place dans la vie des gens, notamment quand ils n’ont pas le moral… Je veux dire, on ne fait pas de la musique pour donner envie de faire la fête et danser, on fait de la musique dans un tout autre état d’esprit.

H : Moi, ça ne me dérangerait pas de faire de la musique pour faire danser en soirée.

Ah oui ? Et vous avez déjà essayé d’en faire ?

H : Non, je crois bien que j’en serai incapable.

En fait votre musique semble plus faite pour rêver, se recueillir ou… faire l’amour.

H : Es-tu en train de dire que tu fais l’amour en écoutant notre musique ?

Oui, ça m’est déjà arrivé (elle rit) ! Vous déployez de parfaites ambiances pour se mettre à l’horizontal. Mais j’imagine que ça ne vous surprend pas trop si je vous dis ça, si  ?

H : Non, je vois ce que tu veux dire.

4. hope sandoval main songeuse

Connaissez-vous le musicien Jeff Martin ?

D : Qui ?

Jeff Martin, un californien qui fait de la musique sous le nom d’Idaho.

H : Je crois que j’ai déjà entendu parler de ce groupe, oui. Son nom m’est familier. Est-ce pareil pour toi, David ?

D : Oui. Et tu aimes ce groupe ?

Oui, beaucoup. Comme vous, Idaho a commencé à sortir des disques au début des années 90 et a toujours été en marge des canons grunge de l’époque. Plutôt que d’œuvrer dans un rock bruyant, Idaho produisait, et produit toujours, une musique mélancolique, atmosphérique et sensuelle. Comme vous êtes géographiquement et artistiquement proches, je me demandais si vous vous connaissiez…

H : Je crois que j’ai un disque de lui. Oui, ça y est, ça me revient.

Des groupes vous inspirent ou vous influencent-ils quand vous composez ?

D : Tout nous inspire et rien ne nous influence, tu vois ? Et oui, la musique des autres joue bien sûr un grand rôle là-dedans.

Dernièrement avez-vous découvert des groupes et artistes qui vous ont particulièrement touché ? Que ce soit d’ailleurs des choses actuelles ou passées…

D : Dernièrement je faisais Londres-Norvège en voiture et j’écoutais Françoise Hardy. Ça m’a beaucoup touché. C’était superbe. Et c’est une personne charmante, adorable. Je l’ai déjà rencontrée. Elle est très inspirante.

Vous semblez avoir un faible pour la pop française. Tout à l’heure vous me parliez de Daho…

H : Oui.

D : On a une amie à Londres, Charlotte, elle a un groupe qui s’appelle Le Volume Courbe, ils sont absolument brillants, on les a vu en concert récemment à la St Pancras Old Church (le 10 juillet dernier, en première partie de My Bloody Valentine – nda)

Je ne connais pas, j’irai écouter.

D : C’est un groupe franco-britannique.

H : Elle s’appelle Charlotte Marionneau.

Depuis la parution fin 2011 de votre double single « Common Burn » / « Lay Myself Down », vous avez un label, Rhymes Of An Hour Records. C’est sur celui-ci que vous sortez votre nouvel album. L’avez-vous aussi créé pour produire d’autres groupes ?

H : Hé bien on aimerait beaucoup sortir la musique d’autres groupes via notre label. Tout le monde est la bienvenue.

Mais vous n’êtes jamais allés voir un groupe qui vous avait tapé dans l’œil en lui disant  : « Vous êtes super, on vous produit ! » ?

H : Qui ? David ou moi ?

Vous deux.

H : C’est une très bonne idée mais aucun groupe ne nous a jamais demandé de les produire.

En même temps si vous ne proposez pas vos services… Parlons concerts. Après la sortie de « Common Burn » / « Lay Myself Down », vous en avez redonné quelques-uns début 2012. Cela a-t-il été une bonne expérience ?

D : Oui. Par exemple, l’année dernière on a joué à Saint Malo (au festival la Route du Rock – nda), et c’était bien. Très bien.

Pour vous est-ce important de jouer votre musique sur scène ?

H : Jouer sur scène nous est difficile, mais c’est important.

Pourquoi est-ce difficile ?

H : C’est difficile parce que pour nous, ce n’est pas normal de monter sur scène pour jouer devant 300 ou 3000 personnes. Humainement, ça ne va pas de soi. C’est un peu effrayant. Mais ça peut bien se passer et être plaisant

Diriez-vous de même, David ?

D : Notre musique est majoritairement acoustique, elle est donc fragile à  porter sur scène.

Quels musiciens vous rejoignent pour former Mazzy Star sur scène ?

D : Ce sont des gens qui sont très importants pour nous : Suki (Ewers, claviers – nda) et Keith (Mitchell, batterie – nda). Très importants.

Savez-vous déjà à quoi va ressembler la tournée qui va accompagner la sortie de ce nouvel album ?

H : On a prévu de commencer à tourner en novembre.

D : Oui, elle va démarrer aux États-Unis pendant Halloween. On aime bien commencer chacune de nos tournées pendant Halloween, comme ça on peut mettre des citrouilles sur scène (Hope rit – nda).

Vous tournerez seuls ou vous serez accompagnés par des groupes de première partie ?

D : C’est vraiment génial quand tu es accompagné par de bons groupes. Durant toutes ces années on a eu la chance d’avoir de super groupes avec nous. Comme Acid Phone.

H : The Entrance Band.

D : The Entrance Band, oui.

H : Unison.

D : Oui, un groupe français qui s’appelle Unison.

H : Ils ont joué avec nous à Londres l’année dernière. C’était fantastique. Ils sont très talentueux.

Oui, je vois, c’est un duo mixte d’obédience noise rock et dream pop, c’est ça ?

H : Oui, comme si Cocteau Twins rencontrait My Bloody Valentine. C’est bien.

D : Et donc toi tu es à Paris. Est-ce qu’en août la plupart des parisiens sont partis en vacances ?

Oui, pas mal, on respire mieux !

D : Où vis-tu à Paris ?

En banlieue nord, au-dessus de Montmartre, à Saint Ouen, vous voyez ?

D : Oui. Et pourquoi es-tu là à parler avec nous alors que tu pourrais être à la terrasse d’un café de Montmartre, avec ton amoureuse et un verre de vin ?

En voilà une bonne question ! Hé bien figurez-vous que j’ai aimé votre nouvel album et que les précédents ont beaucoup compté pour moi quand j’étais plus jeune. Je les écoute toujours. Je tenais donc vraiment à parler un peu de tout ça avec vous. En plus, il y a 4 ans, en août 2009, j’avais interviewé Hope pour la sortie de Through The Devil Softly, et comme ce premier contact m’avait laissé sur ma faim et que je voulais aussi m’entretenir un peu avec vous, David, je n’ai pas voulu manquer cette occasion. C’était tout simplement vous mes amoureuses du jour !

H (rires) : On s’est déjà parlé toi et moi ?

Oui, par téléphone.

H : Je ne m’en rappelais plus, mais maintenant je comprends mieux pourquoi ta voix me semblait si familière (rires) !

D : D : Vous êtes donc de vieux amis ! On jouera à Paris en décembre, si ça te dit viens, et passe nous dire bonjour. On t’invitera.

Merci, je n’y manquerai pas. Au revoir.

H : Ok, merci.

D : Bye.

5. amon my swan sombre

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